Regards
croisés sur la crise malienne
Les boursiers et
anciens boursiers de la Fondation Konrad Adenauer se sont réunis autour de leur
habituelle causerie-débat pour discuter des questions qui les interpellent en
tant que jeunes africains. Comme le veut la logique de l’actualité la crise
malienne a été au cœur des préoccupations
mais aussi celles de certains pays africains.
Il est 16 heures, ce
dimanche 27 janvier 2013 quand les membres du Réseau des Boursiers et Anciens
boursiers de la Fondation Konrad Adenauer (Rebafka) commencent à venir au siège
de ladite institution. Sous les manguiers de la cour ; chacun est assis sur
une chaise, stylo et carnet à la main. Une assiette d’arachide et une bouteille
d’eau sont servies à tous ces gens regroupés autour de la cafetière qui trône sur
un gaz. Ils sont là pour le traditionnel thé
de dimanche.
Après les présentations
des uns et des autres, place est faite au débat. Le thème du jour a porté
sur : « Péril islamique au
Mali, l’Afrique l’éternel assisté ».Très vite, la discussion s’est
focalisée sur la situation sociopolitique et militaire qui prévaut au nord du
Mali où la France a déclenché l’opération Serval. Celle-ci vise à aider le pays
à recouvrir son intégrité territoriale. En effet, cette partie septentrionale
est sous la domination du Mouvement
National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui demande l’indépendance et le
groupe islamiste Ansar Dine qui y prône l’application de la charia (loi
islamique) depuis près d’un an.
L’intervention
militaire de la France a été unanimement saluée par les membres du Rebafka. Puisqu’elle
a permis de libérer le peuple malien pris en otage par les groupes armés et
islamistes qui occupaient les 2/3 du territoire.
Par contre, certains
comme Amara Soumah, ont déploré cette intervention qu’ils considèrent comme une
sorte de « recolonisation ».
Ce diplômé de la 39ème promotion du Centre d’Etudes des Sciences et
Techniques de l’Information (Cesti), d’environs 28 ans, habillé en veste
cravatée, lunettes aux yeux, avec un ton lamentable n’a pas caché sa
désolation. Pour lui, cette intervention doit être menée par l’Afrique et
soutenue par la France et la communauté internationale et non le contraire. Les
membres du Rebafka ont pointé du doigt l’Union Africaine (UA) et la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour leur inertie
constante. A leurs yeux, ces dernières ont passé plusieurs mois à tenir des
réunions sans résultats probants. Elles ont pris tout leur temps à demander de
l’aide à la communauté internationale, ont-ils dit. Au même moment, les
jihadistes étaient en train de continuer leurs exactions et de progresser vers
le sud du pays.
Pour Fidèle Guindo, diplômé
de la 40ème promotion du Cesti corps et ventre gros, lèvres rouges,
des gestes de part et d’autre, « au
lieu de tenir des réunions inachevées, elle devait passer à l’action »,
a-t-il fustigé avec un ton houleux. « Nos
chefs d’Etat-major n’ont fait que gâcher nos millions pour des réunions sans
fins » a-t-il martelé. Avec une colère sans feinte, Guindo a déploré
le manque de responsabilité de nos dirigeants africains. Car pour lui, ils
forment leur armée pour se protéger
contre un éventuel coup d’Etat et non pour assurer la sécurité de leur peuple. La protection des
civils est l’une des grandes obligations
d’un Etat après celle de nourriture et d’éducation.
Pour le Président du Rebafka, Gata Doré, journaliste
de 27 ans, avec un visage serré et déterminé, il a lancé un appel solennel à la
jeunesse africaine et malienne en particulier, pour une prise de conscience et
de responsabilité. Car pour le jeune diplômé de la 40ème promotion
du Cesti, c’est à la jeunesse de s’engager pour libérer son peuple du moment oùceux
qui sont supposés le faire ont échoué.
La
France veut se racheter:
Bien qu’approuvée,
l’intervention française a suscité des réactions diverses et variées. Ainsi les
débatteurs se sont questionnés sur le changement brusque de la position de
François Hollande sachant qu’il a déclaré auparavant que son pays ne va pas envoyer des militaires
au Mali.
Ils ont également
contesté la déclaration du Président français comme quoi l’intervention
militaire de son pays répond à l’urgence de préserver l’Etat malien menacé par
la progression des jihadistes. Certains pensent que la France est intervenue
militairement parce que ses intérêts sont menacés. A les entendre, celle-ci a
plus de 6000 ressortissants au Mali ainsi que de nombreux investissements.
Pour d’autres Paris a
eu une grande responsabilité dans la crise malienne puisqu’elle aurait facilité
la propagande de la rébellion touarègue à travers la Radio France
Internationale (RFI) sous l’ancien régime de Nicolas Sarkozy. Ce qui fait dire
à Mohamed Dagnoko, étudiant en 2ème Année au Cesti, âgé de 26 ans environs,
teint noir, barbu, avec un ton accusateur que « le MNLA est un pur produit de la France ». Quelques-uns aussi
ont reproché à la France de jouer au pompier après avoir provoqué l’incendie.
La question de
l’islamisme radical a également fait l’objet de débat lors de cette causerie.
Beaucoup comme Ibrahima Kandé, étudiant en 3ème Année au Cesti, ont
soutenu que l’islam est une religion qui se veut tolérante et non imposante
mais aussi qui insiste énormément sur l’amour de son prochain et d’autrui. Long
de taille, forme de basketteur, attitude croyante, dans un langage pieux, il a
insisté sur ces vertus consacrées par la religion musulmane. Ce qui est
contraire aux aspirations de la secte islamiste Boko Haramdu Nigeria et de celles
d’Ansar Dine qui cherchent à imposer leur idéologie par le jihad.
Mais la situation de
la République Centrafricaine et de
l’Afrique en général n’ont pas été en reste. Les membres du Rebafka ont, par
ailleurs, regretté l’incapacité de l’Afrique à faire face à ses propres
problèmes, c’est à dire prendre ses responsabilités et son destin en main. Ce
qu’ils ont qualifié comme une mise en cause de la souveraineté de l’Afrique et
de l’homme africain. Ils ont dénoncé le manque d’union et de solidarité entre
nos leaders. Selon eux, ce ne sont pas les moyens qui manquent comme l’ont
toujours prétendu nos Chefs d’Etats. Ils
les ont accusés d’être à la merci des « francs-maçons » qui les utilisent à leur guise. Ce qui a
conduit Sékou Gadjigo, étudiant en 3èmeAnnée au Cesti avec un air
déçu et desolé, de dire que « les
Présidents africains ne sont que des marionnettes ».
En vue de renverser la
tendance, diverses propositions ont été
faites. « Il faut repenser
l’Afrique » a suggéré Emmanuel Millimono dans une tension montante,
avec des gestes et des mouvements de gauche à droite. Cet étudiant en 2ème
Année au Cesti, teint clair, taille moyenne, semble désespéré de l’ de son
image continent puisqu’il a dit avoir une vision différente. « A quand l’Afrique » s’est interrogée
dans une désillusion totale Eliane Diouf de son coté, étudiante à l’Ecole
Supérieure d’Economie Appliquée (ESEA). Pour elle, l’Afrique doit renaitre pour
se libérer de l’Occident afin de pouvoir se progresser. Des prières pour le retour
définitif de la paix au Mali, en Afrique et au monde ont mis fin à la
rencontre.
Le Rebafka a interpelé
les hommes politiques maliens à une prise de responsabilité car l’avenir du
Mali va dépendre des actes qu’ils vont poser Ce colloque est une retrouvaille qui
se tient chaque dernier dimanche du mois au cours de laquelle les boursiers et
anciens boursiers de la FKA se retrouvent pour discuter des questions
d’actualité.