mercredi 27 février 2013

CONFERENCE SUR LA CRISE MALIENNE


La Fondation Konrad Adenauer a organisé une conférence-débat sur le thème « le Mali à la croisées des chemins : craintes et espérances », le jeudi 21 février à son siège.

« Je crains que le Sahel ne devienne un terrain d’affrontement des puissances occidentales et arabes » c’est du moins une des principales craintes de Bakary Sambe, spécialiste des réseaux transnationaux et du militantisme islamique. Selon lui le Sahel est une zone de civilisation et non de bataille. La crise est devenue plus complexe, c’est triste a-t-il rappelé. Au moment où tout le monde commence à songer à une quiétude au nord du Mali, les jihadistes contre-attaquent la ville de Gao. Ce qui fait dire au porte-parole du Mujao que « nous avons reculé pour mieux sauter » quelques heures avant ladite conférence. 

D’ailleurs, cette revendication existe depuis 30 ans entre « arabes » et « noirs de Bamako ». Ainsi, toujours est-il que l’on constate dans les zones tribales, que des autonomistes ou nationalistes avancent des revendications tribales ou ethno-islamistes pour créer des émirats arabes. Tout cela en utilisant  la charia (loi islamique) et en manipulant les symboles religieux pour des motifs politiques. C’est exactement ce que font Ansar Dine et Mujao à en croire l’enseignant chercheur, au Centre d’Etudes des Religions (UFR CRAC) à lUniversité Gaston Berger de Saint Louis.

Pour sa collègue, Fatou Kine Camara, Docteur d’Etat en droit, il y a des « universaux » qu’il faut observer. Se fondant sur cette citation de Saint Thomas d’Acquin « le respect des droits des femmes c’est la garantie de la paix dans le monde », elle a plaidé la cause de la femme. La militante des droits humains a rappelé des leçons du passé en évoquant la Charte de Kouroukan Fouga «N’offensons jamais les femmes, nos mères ». On constate ici, que cette charte de 1936 qui constitue la mère de toutes nos constitutions a déjà consacré le respect des droits humains, des femmes. La chargée ‘enseignement à la faculté de droit de l’Ucad a également dénoncé le manque de courage des autorités maliennes à promulguer le code de la famille et des personnes lors de sa première adoption. Cela constitue une violation grave et flagrante de la constitution, bafouée, sachant bien que le caractère laïc de l’Etat est consacré dans son préambule a-t-elle fustigé. Cet état de fait a favorisé la montée de l’islamisme radical au Mali a-t-elle poursuivi.

En termes d’espérances beaucoup de propositions ont été faites. Pour Dr Sambe, « il faut mettre la politique au cœur de la décision et non l’économie ». Selon le représentant du ministre des forces armées «  l’intervention est ouverte : il reste la sécurisation et la construction ».Quant au Dr Camara, « il faut faire entendre et faire peser la voix des femmes ». Car pour elle, plus la voix des femmes est entendue, moins il y a de violence. Ce qui veut dire que les femmes occupent une place importante dans la résolution de la crise et des conflits sociaux en général. C’est l’occasion choisie par un des participants pour rendre hommage et saluer les efforts que consent chaque jour la maire de Goundam (Tombouctou) Oumou Sall Seck pour la résolution de ce conflit. Le choix porté sur cette Dame n’est pas fortuit car elle est l’incarnation de trois ethnies à savoir : touarègue, peulh et sonrai.

Cette conférence s’est déroulée en présence de plusieurs historiens et de la Représentante résidente de la fondation, Madame Andréa Kolb présidente de la séance qui a clos les débats en souhaitant une bonne réconciliation de la population malienne.     

lundi 18 février 2013

LE REBAFKA AU TOUR DU THE




Regards croisés sur la crise malienne 

Les boursiers et anciens boursiers de la Fondation Konrad Adenauer se sont réunis autour de leur habituelle causerie-débat pour discuter des questions qui les interpellent en tant que jeunes africains. Comme le veut la logique de l’actualité la crise malienne a été au cœur  des préoccupations mais aussi celles de certains pays africains.

Il est 16 heures, ce dimanche 27 janvier 2013 quand les membres du Réseau des Boursiers et Anciens boursiers de la Fondation Konrad Adenauer (Rebafka) commencent à venir au siège de ladite institution. Sous les manguiers de la cour ; chacun est assis sur une chaise, stylo et carnet à la main. Une assiette d’arachide et une bouteille d’eau sont servies à tous ces gens regroupés autour de la cafetière qui trône sur un gaz. Ils sont là pour le traditionnel thé de dimanche.

Après les présentations des uns et des autres, place est faite au débat. Le thème du jour a porté sur : « Péril islamique au Mali, l’Afrique l’éternel assisté ».Très vite, la discussion s’est focalisée sur la situation sociopolitique et militaire qui prévaut au nord du Mali où la France a déclenché l’opération Serval. Celle-ci vise à aider le pays à recouvrir son intégrité territoriale. En effet, cette partie septentrionale est sous  la domination du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui demande l’indépendance et le groupe islamiste Ansar Dine qui y prône l’application de la charia (loi islamique) depuis près d’un an.

L’intervention militaire de la France a été unanimement saluée par les membres du Rebafka. Puisqu’elle a permis de libérer le peuple malien pris en otage par les groupes armés et islamistes qui occupaient les 2/3 du territoire.

Par contre, certains comme Amara Soumah, ont déploré cette intervention qu’ils considèrent comme une sorte de « recolonisation ». Ce diplômé de la 39ème promotion du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (Cesti), d’environs 28 ans, habillé en veste cravatée, lunettes aux yeux, avec un ton lamentable n’a pas caché sa désolation. Pour lui, cette intervention doit être menée par l’Afrique et soutenue par la France et la communauté internationale et non le contraire. Les membres du Rebafka ont pointé du doigt l’Union Africaine (UA) et la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour leur inertie constante. A leurs yeux, ces dernières ont passé plusieurs mois à tenir des réunions sans résultats probants. Elles ont pris tout leur temps à demander de l’aide à la communauté internationale, ont-ils dit. Au même moment, les jihadistes étaient en train de continuer leurs exactions et de progresser vers le sud du pays.

Pour Fidèle Guindo, diplômé de la 40ème promotion du Cesti corps et ventre gros, lèvres rouges, des gestes de part et d’autre, « au lieu de tenir des réunions inachevées, elle devait passer à l’action », a-t-il fustigé avec un ton houleux. « Nos chefs d’Etat-major n’ont fait que gâcher nos millions pour des réunions sans fins » a-t-il martelé. Avec une colère sans feinte, Guindo a déploré le manque de responsabilité de nos dirigeants africains. Car pour lui, ils forment leur armée pour se  protéger contre un éventuel coup d’Etat et non pour assurer la  sécurité de leur peuple. La protection des civils est  l’une des grandes obligations d’un Etat après celle  de nourriture et d’éducation.

Pour  le Président du Rebafka, Gata Doré, journaliste de 27 ans, avec un visage serré et déterminé, il a lancé un appel solennel à la jeunesse africaine et malienne en particulier, pour une prise de conscience et de responsabilité. Car pour le jeune diplômé de la 40ème promotion du Cesti, c’est à la jeunesse de s’engager pour libérer son peuple du moment où ceux qui sont supposés le faire ont échoué.

La France veut se racheter:

Bien qu’approuvée, l’intervention française a suscité des réactions diverses et variées. Ainsi les débatteurs se sont questionnés sur le changement brusque de la position de François Hollande sachant qu’il a déclaré auparavant  que son pays ne va pas envoyer des militaires au Mali. 

Ils ont également contesté la déclaration du Président français comme quoi l’intervention militaire de son pays répond à l’urgence de préserver l’Etat malien menacé par la progression des jihadistes. Certains pensent que la France est intervenue militairement parce que ses intérêts sont menacés. A les entendre, celle-ci a plus de 6000 ressortissants au Mali ainsi que de nombreux investissements.
Pour d’autres Paris a eu une grande responsabilité dans la crise malienne puisqu’elle aurait facilité la propagande de la rébellion touarègue à travers la Radio France Internationale (RFI) sous l’ancien régime de Nicolas Sarkozy. Ce qui fait dire à Mohamed Dagnoko, étudiant en 2ème Année au Cesti, âgé de 26 ans environs, teint noir, barbu, avec un ton accusateur que « le MNLA est un pur produit de la France ». Quelques-uns aussi ont reproché à la France de jouer au pompier après avoir provoqué l’incendie. 

La question de l’islamisme radical a également fait l’objet de débat lors de cette causerie. Beaucoup comme Ibrahima Kandé, étudiant en 3ème Année au Cesti, ont soutenu que l’islam est une religion qui se veut tolérante et non imposante mais aussi qui insiste énormément sur l’amour de son prochain et d’autrui. Long de taille, forme de basketteur, attitude croyante, dans un langage pieux, il a insisté sur ces vertus consacrées par la religion musulmane. Ce qui est contraire aux aspirations de la secte islamiste Boko Haram  du Nigeria et de celles d’Ansar Dine qui cherchent à imposer leur idéologie par le jihad. 

Mais la situation de la  République Centrafricaine et de l’Afrique en général n’ont pas été en reste. Les membres du Rebafka ont, par ailleurs, regretté l’incapacité de l’Afrique à faire face à ses propres problèmes, c’est à dire prendre ses responsabilités et son destin en main. Ce qu’ils ont qualifié comme une mise en cause de la souveraineté de l’Afrique et de l’homme africain. Ils ont dénoncé le manque d’union et de solidarité entre nos leaders. Selon eux, ce ne sont pas les moyens qui manquent comme l’ont toujours  prétendu nos Chefs d’Etats. Ils les ont accusés d’être à la merci des « francs-maçons » qui les utilisent à leur guise. Ce qui a conduit Sékou Gadjigo, étudiant en 3èmeAnnée au Cesti avec un air déçu et desolé, de dire que « les Présidents africains ne sont que des marionnettes ».

En vue de renverser la tendance, diverses  propositions ont été faites. « Il faut repenser l’Afrique » a suggéré Emmanuel Millimono dans une tension montante, avec des gestes et des mouvements de gauche à droite. Cet étudiant en 2ème Année au Cesti, teint clair, taille moyenne, semble désespéré de l’ de son image continent puisqu’il a dit avoir une vision différente. « A quand l’Afrique » s’est interrogée dans une désillusion totale Eliane Diouf de son coté, étudiante à l’Ecole Supérieure d’Economie Appliquée (ESEA). Pour elle, l’Afrique doit renaitre pour se libérer de l’Occident afin de pouvoir se progresser. Des prières pour le retour définitif de la paix au Mali, en Afrique et au monde ont mis fin à la rencontre.
  
Le Rebafka a interpelé les hommes politiques maliens à une prise de responsabilité car l’avenir du Mali va dépendre des actes qu’ils vont poser Ce colloque est une retrouvaille qui se tient chaque dernier dimanche du mois au cours de laquelle les boursiers et anciens boursiers de la FKA se retrouvent pour discuter des questions d’actualité.