Léopold Sedar Senghor et Mamadou
Dia, l’un Chef d’Etat et l’autre Président du Conseil du Sénégal, décident
ensemble de conduire les destinées de leur pays avant de s’affronter. Comment
en est-on arrivé là ? Quelles sont les raisons de cette rupture ? Y
a-t-il eu un coup d’Etat ou pas ? Voilà en somme les questions qui ont été
débattues le jeudi 28 novembre à la Fondation Konrad Adenauer lors de la
projection, du film intitulé « Président Dia ». Ce film réalisé
par Ousmane william Mbaye, neveu de Joseph Mbaye, ministre de l’économie rurale
et un des codétenus de Mamadou Dia, retrace les faits marquants des évènements
de 1962. Pendant la campagne présidentielle 2012, des témoins et des acteurs
ont pris la parole dans ce film pour trancher mais des zones d’ombres restent
toujours sur cette question très sensible car les arguments avancés par les uns
et les autres divergent.
Deux
hommes aux caractères différents, animés chacun par son idéologie et sa vision
Léopold Sedar Senghor et Mamadou Dia se donnent la main pour bâtir ensemble un
pays.
Le
premier, Senghor, prône l’enracinement mais reste attaché aux valeurs occidentales
c'est-à-dire la colonisation et la domination imposée par la France. Il se
comporte comme le chantre de la « Négritude » pour mettre en évidence
ses idéaux politiques. Senghor, le chanteur séculier et poète incarne la
nation.
Le
second, Dia est partisan de l’indépendance immédiate, de la libération et de la transformation de la société
sénégalaise. Dia, un acteur qui a lié la pensée et l’action se conduit en homme
d’Etat engagé pour le développement et la morale sociale. Donc, dès le départ
leurs visions étaient opposées.
Après
l’éclatement de la Fédération du Mali, le 19 août 1960, Senghor délègue
l’essentiel de ses pouvoirs de Chef de l’Etat à Dia qui est le Président du
Conseil afin de diriger librement. Ainsi, Senghor jouissait uniquement les
prérogatives symboliques et honorifiques comme qui dirait « un moine dans un monastère ». Alors
que Dia lui, se trouve au cœur de l’action politique autrement dit « un homme de terrain » en train de
côtoyer la population rurale, qu’il décide de transformer à sa façon.
Ce
bicéphalisme va provoquer un certain « bras
de fer » entre les deux hommes
au sommet de l’Etat du Sénégal.
Le
17 décembre 1962, Senghor accuse Dia de vouloir fomenté un coup d’État contre
lui. Il demande aux députés de voter une
motion de censure pour destituer le Président du Conseil de ses fonctions.
Ce
dernier aussi disposant de la force exécutive, envoie les militaires pour aller
réquisitionner les députés pour les empêcher d’adopter ladite motion.
Néanmoins, elle a été votée et adoptée au domicile de Lamine Gueye, Président
de l’Assemblée nationale à l’époque.
Mamadou
Dia, accusé de coup d’Etat et de violation de la constitution est arrêté et
condamné à perpétuité. Il est emprisonné avec quatre de ses plus proches
ministres.
Le
lendemain, après modification de la constitution Senghor est investi de pleins
pouvoirs pour diriger en tant que Président de la République. De ce fait, on
passe du régime parlementaire à celui présidentiel tant voulu par Senghor.
Libéré
le 26 mars 1974 avec tous les prisonniers politiques du Sénégal, Mamadou Dia
est décédé en 2009.
Qui
aurait cru qu’il aurait eu une telle rupture entre Léopold Sedar Senghor et
Mamadou Dia après avoir passé ensemble 17 ans dans un idéal commun « celui de développer le Sénégal » ?
Helas,
malheureusement, c’est le cas de ces deux hommes politiques se sont battus et
ont lutté ensemble pour l’indépendance de leur pays. Deux amis et compagnons
inséparables et complémentaires qui deviennent à longue des opposants affirmés
à cause de leur différence. On ne saurait passer sous silence le rôle qu’a joué
la France dans ces évènements. Surtout quand on sait que Senghor est admiré par
les français puisqu’il partage leurs idéaux. C’est pourquoi Sékou Touré de la
Guinée l’appelait « le normand de
Joal » pour l’assimiler à la France. Alors que Dia les tenait tête et
voulait immédiatement avoir l’indépendance et se défaire d’eux.
S’il
n’y avait pas eu de rupture ou confrontation entre ces deux grands
intellectuels, peut-être que le Sénégal aurait été mieux que ce qu’il est
aujourd’hui puisqu’il était bien parti. Ou bien même empêcher les situations
qu’ont connues bon nombre de pays africains en leur servant d’exemple.
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